Interview « Le marché des biostimulants a longtemps été considéré comme le produit cosmétique »
Pierre-Yves Tourlière, responsable du développement des productions végétales au sein de Timac Agro France, a vu la forte évolution du marché des biostimulants depuis près de trente ans. Acteur historique sur ce marché, Timac Agro propose, à ce jour, neuf technologies biostimulantes différentes.
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Depuis quand Timac Agro est présent sur le marché des biostimulants ?
L’entreprise est ancrée en Bretagne, où les algues, le goémon, sont une ressource historiquement utilisée comme fertilisant. Avec son savoir-faire dans l’extraction des molécules des algues, Timac Agro s’est lancé sur le marché des biostimulants en 1989 avec une gamme appelée Leader, qui était un concentré de glycine bétaïne, un antistress végétal. La gamme Fertileader, récemment renouvelée sous le nom de Seactiv, a ensuite suivi, associant la glycine bétaïne à un autre extrait d’algue pour jouer sur la photosynthèse. Nous avons également travaillé sur un deuxième type d’extrait, les acides humiques et fulviques, dès 1994.
C’est un marché qui n’a cessé de croître dans l’entreprise, avec, en 2021, le lancement d’une nouvelle gamme, nommée ADN, composée de cinq technologies biostimulantes, à base d’extraits de microalgues vertes ou spirulines. La gamme ADN nous a permis de gagner des hectares traités et d’accompagner la progression naturelle du marché.
Comment avez-vous vu ce marché évoluer ?
Longtemps, ce marché était considéré comme le produit cosmétique, pour ne pas dire la « poudre de perlimpinpin ». La distribution avait aussi du mal à segmenter les biostimulants des oligoéléments. Depuis sept à huit ans, le marché se structure, avec des acteurs historiques comme Timac Agro, mais aussi de plus en plus de nouveaux intervenants.
Ces deux dernières années en particulier ont été atypiques, avec une forte progression, que j’attribuerais à deux phénomènes. D’une part, un contexte conjoncturel du marché de la fertilisation, avec les problématiques d’approvisionnement en azote, les prix qui font désinvestir en fertilisation, et la recherche de solutions alternatives. Les biostimulants, en tant qu’aide à la nutrition, en font partie. D’autre part, un contexte structurel : on a vécu des dernières années des stress climatiques importants et récurrents, 2021 étant l’exception. Ce sont ces stress, dits abiotiques (stress froid à la montaison, excès de température, déficit hydrique…) qui sont responsables de la fluctuation des rendements.
« Les agriculteurs considèrent un peu plus toutes les armes à disposition pour aider la plante à se nourrir avec moins d’unités fertilisantes. »
La progression à deux chiffres de ce marché montre, selon moi, qu’il y a autre chose que l’appropriation des biostimulants par les agriculteurs. Le côté conjoncturel a fortement aidé, et aussi le prix des céréales plus élevé. Quand l’agriculteur a un peu plus de budget, il est plus à l’écoute d’un produit qu’il n’a pas l’habitude d’utiliser.
Le marché des biostimulants est-il mature ?
Il ne l’est pas encore, selon moi, car il va encore se développer. De nouveaux intervenants investissent ce marché, comme des firmes phytosanitaires qui rachètent des sociétés de biostimulants pour étoffer leur offre. C’est un marché qui se structure mais on est encore loin de connaître les fréquences d’utilisation d’un produit de traitement. L’habitude d’utilisation est plus ancrée en cultures spécialisées, cela est lié au fait qu’elles ont plus de valeur ajoutée. Même si le marché a fortement progressé l’année dernière, moins d’un hectare sur dix de céréales reçoit un biostimulant. En grandes cultures, en termes de surfaces, le colza est devant, tandis que le maïs est largement derrière, et le tournesol encore plus. Il reste de gros efforts à fournir sur les cultures de printemps, qui sont les plus soumises aux stress.
Nous avons conscience que ce marché va être fluctuant, et il faudra certainement batailler pour le maintenir, justifier, montrer l’intérêt, que ce n’est pas qu’un produit annexe mais qui s’intègre pleinement dans l’itinéraire technique.
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